La loi El Khomri a fait l’objet de nombreuses controverses et a engendré des manifestations importantes à son encontre. En effet, pour ses détracteurs, elle renforce l’insécurité pesant sur les salariés et l’ « ubérisation » du marché du travail et se montre trop favorable aux employeurs. Quant est-il dans les faits ? Cette loi est-elle si « révolutionnaire » en instaurant un libéralisme forcené ? Nous tenterons de répondre à cette question en décryptant ses principales dispositions.
Les licenciements économiques
La partie de la loi sur les licenciements économiques a été vivement critiquée. En effet, pour certains de ses contempteurs, elle permettrait à l’employeur d’utiliser son pouvoir discrétionnaire pour licencier sans entrave.
Dans les faits, si elle facilite effectivement les licenciements pour motifs économiques, ceux-ci restent malgré tout encadrés.
En effet, la loi instaure un nouveau critère permettant de mettre en œuvre une procédure de licenciement économique : une baisse des commandes et du chiffre d'affaires.Ainsi, il n’est plus nécessaire de traverser des difficultés économiques sérieuses.
Ainsi, un tel licenciement pourra être validé lorsque le chiffre d'affaires ou les commandes baissent durant :
- un trimestre dans les entreprises de moins de 11 salariés,
- deux trimestres dans les entreprises de 11 à 49 salariés,
- trois trimestres dans les entreprises de 50 à 299 salariés,
- quatre trimestres dans les entreprises de 300 salariés et plus.
Par ailleurs, les motifs suivants pourront également justifier des licenciements économiques :
- des difficultés économiques,
- une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité
Le manque de précision de ces critères laissera à l’entreprise une certaine marge de manœuvre et risque d’augmenter les contentieux. On devrait vite trouver une large jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation qui apportera des précisions sur la teneur de ces dispositions, entrées en vigueur depuis le 1er décembre 2016.
Les 35 heures et le paiement des heures supplémentaires
La loi vient assouplir les règles applicables en matière de durée légale du temps de travail, qui reste fixée à 35 heures.
Ainsi, un accord d'entreprise pourra fixer la durée hebdomadaire du travail à 46 heures sur 12 semaines (Auparavant, seul un accord de branche ou un décret pouvait augmenter la durée du temps de travail)
En outre, cette durée pourra être portée à 60 heures en cas de circonstances exceptionnelles propres à l'entreprise et après autorisation de l'inspection du travail.
Les heures supplémentaires (excédant 35 heures) sont toujours majorées de 25% pour les 8 premières heures et de 50% pour les heures suivantes.
Toutefois, un accord d’entreprise ou de branche pourra réduire cette majoration à 10%.
Les bulletins de paie à l’heure numérique
Il est possible, depuis la loi de mai 2009 sur la simplification du droit, de remettre au salarié un bulletin de paie numérique. Pour cela, il faut obtenir l’accord du salarié et garantir l’intégrité des données.
A compter du 1er janvier 2017, cette pratique est généralisée. Ainsi, désormais, sauf opposition du salarié, l’employeur peut procéder à la remise du bulletin de paie sous forme électronique. Il n’est donc plus nécessaire d’obtenir son accord.
On rappelle qu’à l’heure actuelle, le taux de dématérialisation est de 15% en France, contre 95% en Allemagne, 73% Grande Bretagne ou 57% en Italie.
Les accords d’entreprise
Jusqu’à présent, les accords de branche primaient sur les accords d’entreprise, ce qui ne permettait pas de prendre en compte les spécificités liées à chaque établissement. Désormais, cette règle est renversée et les accords d’entreprise priment sur les accords de branche. Un accord d'entreprise pourra ainsi remplacer un accord de branche plus favorable aux salariés.
Il pourra modifier la durée du travail, le mode de rémunération des heures supplémentaires ou le nombre de jours de RTT.
La validité des accords d'entreprises est subordonnée à leurs signatures par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés. Faute de majorité (30 % au lieu de 50 % des suffrages exprimés), un référendum pourra être organisé au sein de l’établissement.
La médecine du travail
On rappelle qu’une visite médicale doit être effectuée lors de l’embauche de chaque salarié. Désormais, cette obligation est supprimée à compter du 1er janvier 2017, sauf pour les postes à risque.
En outre, il n’est plus nécessaire de réaliser 2 examens à 15 jours d’intervalle pour constater l’inaptitude au travail. Un seul examen suffit. Par ailleurs, le médecin du travail doit désormais accompagner son avis d'inaptitude de conclusions écrites, avec des indications concernant le reclassement du salarié.
Les congés
Le congé bénéficiant à un salarié en cas de décès d’un enfant passe à 5 jours, au lieu de 2 jours auparavant. Celui pour la mort des parents et beaux-parents, d’un frère ou d’une sœur, passe d’un à deux jours.
Les mères revenant de congés maternité ne pourront pas être licenciées durant 10 semaines. Ce délai était fixé à 4 semaines.
Par ailleurs, l'employeur peut autoriser le salarié à prendre ses congés payés dès son embauche et un accord d’entreprise peut fixer la période de référence pour déterminer ces congés sur l’année civile (et non plus seulement du 1er juin au 31 mai).
Le compte personnel d'activité
Le compte personnel d'activité doit désormais regrouper le compte personnel de formation, le compte de prévention de la pénibilité et un nouveau compte « engagement citoyen » valorisant les activités bénévoles.
En outre, le compte des salariés sans qualification pourra être crédité de 400 heures, contre 150 heures aujourd'hui.