Si le capital social est le patrimoine de départ de la société, ce dernier n’est pas figé et peut varier dans le temps. Il est composé, dans une EURL, de l’ensemble des ressources apportées par l’associé unique au moment de la création de sa société. La perte de la moitié du capital social est une notion d’ordre public donc réglementée. Une diminution pourra intervenir dans deux cas de figure, prendre différentes formes et se concrétiser selon des procédures spécifiques que nous verrons ci-dessous.
Qu'est-ce qu'une EURL ?
Créée en 1985, l’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) est une société à responsabilité limitée (SARL) avec un seul associé. Elle peut également être dénommée une SARL unipersonnelle. Dans ce type de société, la responsabilité commerciale de l'associé unique est limitée au montant du capital qu'il a apporté.
Tout au long de sa vie l’EURL pourra avoir besoin notamment en cas d’expansion de son activité ou de perte de la moitié de son capital social à passer en SARL, c’est-à-dire avec plusieurs associés. Cela n’entraînera une nouvelle forme juridique mais divers changements sont à noter (fiscaux, juridiques, sociaux…).
Quelles sont les raisons d'une diminution du capital social ?
Durant la vie d’une entreprise le capital social peut être amené à varier et notamment à diminuer. Cette diminution peut être motivée par des pertes ou résulter de la volonté de l'associé unique. Elle aura pour but d’assainir les pertes financières de la société.
La réduction de capital motivé par les pertes
Cette réduction du capital intervient dans le cas précis où les pertes enregistrées par l’entreprise sont telles que le montant des capitaux propres est inférieur à la moitié du capital social.
Ce résultat démontre une réelle vulnérabilité de l’entreprise. Cette situation entraîne une obligation légale de régularisation.
La réduction de capital non motivé par les pertes
Cette hypothèse résulte d’une décision de l’associé de réduire le capital notamment lorsque le capital social est supérieur aux besoins de la société.
⚠️ Dans ce cas, et contrairement à une réduction du capital social motivé par les pertes, les créanciers peuvent s’opposer à cette diminution. En effet, le capital social est une garantie pour les créanciers. Par effet domino, lorsqu’une réduction intervient, leur chance de remboursement s’en trouve de fait amoindrie. Ils disposent donc d’un délai d’un mois une fois la décision parue au Bodacc.
Perte de la moitié du capital social en EURL : qu'est-ce que ça signifie ?
La perte de la moitié du capital social recouvre le cas où une entreprise affiche des pertes qui conduisent à un total de capitaux propres (ensemble des ressources de la société) inférieur à la moitié du capital social.
Capital propre et capital social
Dans une EURL le capital social correspond à la somme d’argent apportée au moment de la création de la société. Il peut également être composé des biens appartenant à la société tels que le fonds de commerce, les bâtiments, la propriété intellectuelle (exemple la marque).
Les capitaux propres (article R123-191 du code de Commerce), notion différente et qui ne doit pas être confondue, englobent quant à eux :
Les reports à nouveau : l’associé décide de reporter leur décision d’affectation des bénéfices
Le résultat de l'exercice (bénéfices ou pertes) : il correspond à la différence entre le chiffre d’affaires hors taxes pour une période donnée et les charges engagées par l’entreprise
Les provisions réglementées : elles ne correspondent pas à l'objet normal d'une provision
Les subventions d'investissement : ce sont des aides financières qui ont été octroyées à une entreprise à titre définitif, par une institution publique ou privée
Les réserves inscrites au bilan : bénéfices des exercices antérieurs qui n’ont pas été distribués à l’associé unique
Cette situation est régie par l’article L223-42 du code de Commerce.
Exemple d’une perte de plus de la moitié du capital social d’une EURL
La société « Tartempion » possède un capital social de 10 000 euros. Elle affiche, à la fin de son exercice social, des pertes d’un montant de 13 000 euros.
Elle dispose de :
2 000 euros de réserves
2 000 euros de bénéfices non distribués
1 000 euros de provisions réglementées
Montant des capitaux propres : 10 000 + 2 000 + 2 000 + 1 000 – 13 000 = 2 000 euros
Montant de la moitié du capital social : 10 000/2 = 5 000 euros
Ici, le montant des capitaux propres (2 000 euros) est inférieur à celui de la moitié du capital social (5 000 euros).
Quels sont les risques après une perte de la moitié du capital social de son EURL ?
Même si cette situation n’est pas rare dans les premières années de l’entreprise, après un certain temps il s’agit d’une situation alarmante pour l’entreprise. La perte de la moitié du capital social par une EURL est réglementée par la loi et nécessite une régularisation.
Si dans la pratique, les EURL ne respectent pas toujours la procédure légale imposée, elles s’organisent pour assurer la continuité de leur activité. Dans le cas où l’EURL déposerait le bilan, la responsabilité du gérant pourra être engagée.
Les textes, quant à eux, prévoient des sanctions pénales pour le représentant légal qui ne respecterait pas la procédure imposée soit une amende et une peine d’emprisonnement.
Perte de la moitié du capital social de son EURL : les solutions
Certaines solutions peuvent permettre de rétablir la situation en cas de perte de la moitié du capital social :
Une augmentation du capital en numéraire
Une augmentation du capital par incorporation des réserves
Une réduction du capital social en compensant avec des pertes
Un « coup d’accordéon » grâce à un nouvel actionnaire (changement de forme juridique en SARL)
La procédure à suivre en cas de perte de la moitié de son capital social (L 223-42 du code de commerce)
Lorsque les documents comptables mettent en exergue une perte de la moitié du capital social, une procédure spécifique est à suivre par l’EURL. On en distingue cinq.
Étape 1 : Constatation des pertes financières
Dans les 4 mois qui suivent l’approbation des comptes qui ont fait apparaître les pertes, l’entrepreneur doit apprécier l’état général de sa société, identifier les raisons
Étape 2 : Poursuivre l'activité ou dissoudre la société ?
L’associé unique doit se prononcer dans une décision unilatérale. Il peut décider de dissoudre la société pu continuer l’activité. L’absence de plusieurs associés permet d’exclure toutes les règles à applicables concernant la convocation (pas d’assemblée générale extraordinaire), le vote ou le quorum.
Cependant, des formalités administratives sont nécessaires :
L’inscription sur un registre spécial concernant la vie de l’entreprise, le Registre des décisions de l'associé unique, tenu au siège social
Le registre doit être coté et paraphé soit par le juge du tribunal de commerce, par le juge judiciaire ou le maire de la commune du siège social
Dans le cas où aucune décision n’aurait été prise dans le délai de 4 mois, tout intéressé peut demander la dissolution forcée de la société auprès du tribunal de commerce.
Étape 3 : Publication dans un journal d’annonces légales et enregistrement au guichet des formalités
Que la décision soit de poursuivre l’activité ou de dissoudre l’entreprise, la décision unilatérale doit faire l’objet d’une publication dans un support d’annonces légales. Cette publication a pour but d’informer les tiers et de leur rendre opposable. Elle devra comporter un certain nombre de mentions obligatoires
Elle doit intervenir dans un délai d’un mois une fois la décision prise. Cette publication représente un coût d’environ 150 euros.
La décision doit également être enregistrée auprès du guichet des formalités des entreprises. Pour ce faire, trois documents seront demandés :
Un exemplaire de la décision unilatérale ayant décidée de dissoudre ou de maintenir l'activité
Un exemplaire des statuts mis à jour : daté et certifié conforme à l'original par le représentant légal
L’attestation de parution de l'avis dans un support d'annonces légales
Étape 4 : Régulariser la situation financière en cas de poursuite de l'activité
Si la poursuite de l’activité a été choisie par l’associé unique, il dispose d’un délai de 2 ans pour régulariser sa situation en reconstituant ses capitaux propres.
Ils doivent être au moins égaux à la moitié du capital social, pour cela trois hypothèses possibles :
Augmentation des bénéfices. Ils doivent être en mesure de compenser les pertes.
Augmentation du capital social en injectant de nouveaux fonds
Abandon de créances. Si l’associé a mis à disposition des sommes d’argent à disposition de la société, il peut y renoncer.
Dans le cas où la société serait parvenue à régulariser sa situation, elle peut demander que la mention de la perte de la moitié du capital social soit supprimée du Registre du commerce et des sociétés (RCS).
En revanche, une fois le délai de 2 ans écoulé, si la société n’a pas régulariser sa situation financière sa seule option avant la dissolution sera de procéder à une réduction de capital social.
Le "coup d'accordéon" n'est pas envisageable pour une EURL sauf si l'associé unique souhaite faire entrer de nouveaux associés et passer en SARL.
Étape 4 : Les procédures dissolution de l'EURL
Si le choix a été fait de procéder à la dissolution de l’EURL à la suite de la perte de capital social ou si l’associé n’a pas réussi à relever la barre après le délai de 2 ans, trois phases se dessinent :
La dissolution de l’EURL
La liquidation de l’EURL
La radiation d l’EURL
La dissolution de l’EURL
Établissement par l’associé unique d’une décision de dissolution-liquidation. Elle désigne le liquidateur qui peut être l’associé unique lui-même ou une personne tierce. Cette décision fait l’objet d’une publication dans un journal officiel et ouvre un délai de 30 jours aux créanciers pour se manifester.
La liquidation de l’EURL
Dans cette phase on parle de « réaliser l’actif » et « apurer le passif ». Deux situations :
Boni de liquidation. L’actif de l’entreprise est suffisant pour régler les dettes de la société. Le reliquat est alors rendu à l’associé unique.
Mali de liquidation. C’est la situation inverse, l’actif de l’EURL n’est pas suffisant pour régler l’ensemble des dettes. L’associé unique doit donc régler lui-même les dettes restantes dans la limite de son apport initial.
La radiation d l’EURL
Dernière phase de la procédure de dissolution : radier la société du RCS.
Cette démarche doit être effectuée dans un délai d’un mois suivant la liquidation. La fin de vie de la société sera alors définitivement actée.
Pour cela, un dossier de dissolution complet doit être déposé au greffe via le guichet unique avec les documents suivants :
le formulaire de fermeture dûment complété et signé par le liquidateur ;
le PV de décision de clôture de liquidation ;
les comptes de liquidation approuvés par l’associé unique ;
l’attestation de parution de l’avis de fin des opérations de liquidation dans le JAL ;
le chèque pour le paiement des frais.
Il faut compter en moyenne entre 500 et 600 euros de frais pour procéder à la liquidation d’une EURL. Cette somme comprenant les frais d’annonce légale, les frais de dissolution auprès du greffe et les frais de radiation.
Non-respect de la procédure : les sanctions
Le non-respect de la procédure de régularisation peut donner lieu à plusieurs sanctions :
Dissolution de la société
Mise en cause de la responsabilité civile des dirigeants
Injonction sous astreinte : le juge commis à la surveillance du RCS peut enjoindre sous astreinte une société à procéder aux formalités de publicité au RCS